NAISSANCE DE LA COMMUNE

(Source «Le chamillard  en Pays d’Evran.» Extraits de « Histoire du temps passé aux Champs Géraux »par Pascal Lhermitte 1996, En « Pays d'EVRAN » par Christian Martin. Compilation P. Lhermitte

 

La commune des Champs-Géraux est créée par la loi du 6 avril 1934. Naturellement cette nouvelle commune prit le nom du grand village existant déjà, pourvu d'une chapelle, d'une école et de commerces. N'y manquaient que les bâtiments administratifs et un... cimetière. La commune des Champs géraux fût longtemps la plus jeune commune du département. L'avènement des communes nouvelles change son statut !

Cette scission du village des Champs-Géraux, et du pays alentour, d'avec la commune d’ Evran à laquelle ils étaient rattachés, fut le résultat de plusieurs années de relations tendues au sein de la municipalité évrannaise. Plusieurs élus Campo-Gérosiens y siégeaient. Les "conseillers du nord" avaient certes des difficultés à faire entendre leur voix. Le ressentiment et la volonté d'indépendance de ses habitants étaient, néanmoins, déjà fort anciens.

Pierre Busnel (1881-1959), conseiller municipal à partir de 1912, habitait Fautrel, un des hameaux les plus éloignés du bourg d'Evran. Réélu sans problème à l'issue de la guerre de 1914-1918, il fut nommé président de la "commission des chemins" et représentant de la partie nord de la commune. Après les élections de 1924 qui entraînèrent celle d'un nouveau maire, les rapports de Pierre Busnel avec la majorité en place se dégradèrent rapidement.
Le point culminant de cette mésentente fut atteint le 6 décembre 1925, date capitale dans l'histoire des Champs-Géraux. Au cours d'une séance portant sur les travaux de voirie et leur degré de priorité, il apparut que ceux devant être effectués dans certains hameaux du nord de la commune, avaient été escamotés au dernier instant. Après une discussion des plus vives, Pierre Busnel, fort en colère, quitta la réunion en claquant la porte.

Appuyé et encouragé par Michel Geistdoerfer, le député-maire de Dinan, Pierre Busnel entreprit alors sa longue marche qui devait conduire à la création de la nouvelle commune.

Bien avant....

Suite au démembrement de la paroisse primitive de Plesder, au début du XIIème siècle, la paroisse des Champs-Géraux (ancien quartier ou village) est intégrée à celle d'Evran. Une "capella Sancti Nicolai de Campis" existe dès 1181 (Chapelle). 

Jadis, le quartier des Champs-Géraux était le fief des seigneurs de Coëtquen en Saint-Hélen (la fin de la forêt de Coëtquen se trouve sur le territoire des Champs-Géraux). Féodalement la paroisse d'Evran se rattachait au nord, semble-t-il (à partir de l'ancienne voie romaine allant de Plesder à Beaumanoir, ou des abords du ruisseau de Brice) à la puissante châtellenie de Coëtquen. La partie sud appartenait à la famille de Beaumanoir.

Jusqu’au XVème siècle, le fief des Champs-Géraux appartient à la famille qui lui donne son nom actuel. En 1480, le fief appartient à Raoul Rouaud.  seigneur des Champs-Géraux et de Launay Pinel. On trouve l'appellation Les Champs Geraut en 1513.

Dès le moyen Âge, les habitants de la paroisse d'Evran étaient ainsi déjà séparés en deux seigneuries. Cette séparation disparut avec la Constituante de 1791 qui établit un nouveau régime administratif et la création de cantons subdivisés en communes.

En fait, le canton d'Evran retrouvait approximativement le découpage ancien; à savoir: celui de la paroisse d'Evran qui dépendait de l'évêché de Saint-Malo.

 

Dès 1792, des désaccords naquirent au sein du district de Dinan sur les nouvelles délimitations du territoire de la commune d'Evran. La commune de Saint-Judoce, par exemple, était intégrée à celle d'Evran. Elle fut rétablie en tant que commune autonome, en 1821. En ce qui concernait les Champs-Géraux, un avant-projet du découpage de la partie nord amputait la commune d'Evran d'une partie de son territoire, au niveau de la chapelle des Champs-Géraux. Cette fraction aurait été rattachée à la commune de Saint-Solain (Saint-Solen); il n'en fut rien.

 

Un Château et une Église

II semblerait qu'un château seigneurial se situait à l'est du bourg actuel, à l'entrée de la route de Plesder. La demeure seigneuriale fut probablement transférée au milieu du XVIe au Manoir de la Gravelle pour on ne sait quelle raison, (lieu-dit "La Gravelle" situé à quelques centaines de mètres plus au nord). On trouve trace d'une Catherine De La Lande, dame des Champs-géraux, morte à la Gravelle en 1551

Contrairement au château dont elle était la chapelle privée, l’église actuelle a survécu au temps. Une attention toute particulière lui a été portée avec de nombreuses restaurations en 1704, 1750 et, en 1818, la sacristie vient s’ajouter à gauche ainsi qu’une petite chapelle. Autre rénovation en 1874 et en 1955 où l’édifice devint paroissial ; à cette occasion une nouvelle sacristie fut construite à la droite (Sud). C'est sans doute grâce à cette chapelle que le village put conserver quelque importance durant les deux premiers tiers du XIXe siècle, les habitants venant assister aux offices du dimanche.

A noter au-dessus de la porte d’entrée, l’écu de la famille Nicollas (voire aussi de la Manoir Gravelle/ patrimoine) : enterré durant la révolution, il fut retrouvé en 1937 et replacé ici à droite du porche en 1967. Le blason de la famille Nicollas "De gueules à la fasce d'argent chargée de trois merlettes de sable et accompagnée de trois têtes de Loup, arrachées d'or: 2-1" est devenu l’emblème de la commune.

Déja des tentatives de sécession 

En 1839, Tressaint revendiqua, en vain, l'attribution d'une portion limitrophe au nord. Celle-ci représentait une surface de 280 hectares, comprenant 340 âmes. La revendication était appuyée par une pétition des habitants intéressés. Il était déjà fait état de l'éloignement géographique des centres administratifs et religieux qui compliquaient la vie de la population. Ce type d'argumentation ne sera finalement pris en compte qu'en 1934...

Quelques années plus tard, et à quatre reprises, en 1844, 1845, 1848, 1855, Saint-Solain (orthographe à l’époque !) à son tour, revendiqua quelques villages situés au nord de la commune évrannaise et représentant 500 hectares (Saint-Solain comptait alors seulement 200 hectares !).

Les arguments cités plus haut ont resurgi; les velléités séparatistes demeurant, elles connaîtront encore de nouveaux pics.

Une école dès 1880…

Le 13 août 1876, une délibération du Conseil municipal d'Evran envisage la création d'une école au village des Champs-Géraux. Le point de vue des Evrannais du nord finit donc par l'emporter.

Compte tenu de la forte fréquentation envisagée, on réclame la création d'une classe supplémentaire. Ces demandes furent agréées le 5 août 1877. Il est à noter que les enfants devaient parcourir à pied, précédemment, plus de sept kilomètres pour se rendre à l'école...

La première classe ouvrit ses portes en décembre 1880. Dès la première année, on compta cent-vingt élèves pour deux institutrices ! La deuxième classe ne vit le jour qu'en 1886; la loi, en effet, ne prévoyait qu'une seule classe par village. Les bâtiments scolaires furent complétés par la construction simultanée de deux logements pour les maîtres. Autre démonstration ici de la pertinence d'une création communale .

UNE "DORMEUSE"* contribue à l’essor du futur bourg.

Le véritable déclic qui va provoquer l'essor du village des Champs-Géraux est le fait d'une célèbre "dormeuse": Mélanie Esnault, née en 1817 au hameau proche de Saint-Geffroy.

La dormeuse était une guérisseuse à qui l'on amenait le malade ou une pièce de vêtement. Elle s'assoupissait et dans son sommeil trouvait la maladie, donnait son remède).

Le don de Mélanie fut découvert, presque par hasard, chez François Bodin, à la ferme du Haut Frolou où elle était journalière (ouvrière agricole payée à la journée). .Ce jour-là, on avait égaré le "paulet", une sorte de sangle qui permettait le transport, à dos d'homme, des choux, du bois, etc. Ignorant tout de la perte de cet indispensable accessoire et des vaines recherches effectuées, Mélanie indiqua spontanément à ses patrons, l'endroit où il avait été égaré: «Tout près d'un chêne, dans le champ voisin».

A l'époque, la médecine moderne n'en était qu'à ses premiers balbutiements; les "dormeuses" et autres "toucheuses" bénéficiaient d'une grande confiance auprès du public. L'activité de Mélanie dura ainsi près de vingt-cinq ans. (voire annexe : une dormeuse)

L'affluence de ses clients fut telle que de nombreux commerces firent leur apparition dans le village. Dès le début de sa renommée en 1897, Mélanie avait, de son côté, fait construire une maison et ouvert un café près du "Chauchix" (actuelle place Pierre Busnel, maison à l'angle du rond point à l'opposé du commerce actuel)). Ce dernier fut malheureusement à l'origine de son malheur, car elle y "noya" ses dons et son talent...

L'autre événement qui contribua à donner un coup de fouet à l'économie locale, coïncida avec la construction de l'école vue ci dessus. Le village ressemblait de plus en plus à un petit bourg. En 1930, on n'y dénombrait pas moins de sept cafés, plus cinq autres en campagne. Il ne manquait plus que la mairie... la loi du 6 avril 1934 l'apporta !

"UNE DORMEUSE* "

Le malade allait la voir ou, s'il n'était pas en mesure de le faire, on lui apportait une pièce de ses vêtements. On devait tout d'abord endormir la "dormeuse" en lui tirant sur le doigt.

Le diagnostic établi ainsi que la thérapie, y compris l'indication du médicament à utiliser, étaient émis durant son sommeil, parfois en termes médicaux complexes. A son réveil, la "dormeuse" était épuisée et avait tout oublié. Fait troublant: elle était illettrée.

 

Grâce à son nouveau don et à son pouvoir reconnu de guérison, Mélanie Esnault devint rapidement très célèbre à plusieurs lieues à la ronde. On la consultait pour tous les maux. Son époux l'endormait en la tenant par les deux petits doigts. Elle entrait alors dans une sorte de sommeil hypnotique, puis d'une voix saccadée, après quelques contorsions, donnait son diagnostic et le traitement à suivre. La consultation coûtait un franc, mais une poule noire faisait aussi l'affaire...